Des chefs signent une tribune pour réclamer le droit au “bien manger” pour tous

Des chefs signent une tribune pour réclamer le droit au “bien manger” pour tous

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(©Atabula)

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Par Jeanne Pouget

Publié le

À l’aube de l’élection présidentielle, un collectif de chefs et gastronomes signe un “appel au droit à bien manger” dans la revue en ligne Atabula. Le but ? Alerter les décideurs sur le péril alimentaire de la société contemporaine et réaffirmer le droit à une alimentation de qualité pour tous. 

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Après la lettre ouverte contre l’invasion de l’agrochimie dans nos assiettes publiée sur Atabula en septembre dernier, le collectif des professionnels de la gastronomie française, formé sous l’égide de l’ancien rédacteur du guide Michelin Franck Pinay-Rabaroust, souhaite poursuivre son engagement en faveur d’une alimentation de qualité.

Dans la continuité de leur précédente pétition, ces chefs réaffirment le bien manger comme un droit pour tous et non comme un luxe réservé à quelques-uns. Pour que l’éducation au goût reste fermement ancrée dans notre patrimoine, et ne disparaisse pas dans les méandres d’une agriculture productiviste, qui nous sert une alimentation insipide sur un coin de table.

Dénoncer une “fracture alimentaire”

Dans cette nouvelle tribune, les chefs dénoncent le fossé qui se creuse entre riches et pauvres concernant l’éducation au goût et à la nourriture. Une sorte de fracture alimentaire qui, à l’instar de la fracture sociale, favorise une certaine frange de la population au bien manger tout en laissant la majeure partie d’entre elle exclue d’une alimentation de qualité. Une éducation au goût qui serait de plus en plus l’apanage de la grande distribution, et qui laisserait de côté les champs du goût, de la qualité et même de la santé :

“Tandis qu’une frange privilégiée de la population a accès à une éducation au goût et à des produits de qualité, la majorité des citoyens est soumise à un paysage de consommation dicté par la grande distribution. Cette fracture est certes largement liée au niveau des revenus du foyer et aux catégories sociales, mais elle est aussi profondément culturelle.

Elle est liée à une certaine idée de la place de l’alimentation dans la vie, à une culture des goûts qui se construit dès l’enfance, à un savoir-faire qui se transmet ou s’apprend, à une cuisine du quotidien rapide, goûteuse, et saine.”

Pour palier cette fracture alimentaire, les chefs proposent ainsi “d’instaurer une véritable éducation du goût dans les écoles publiques, qui s’inscrive dans le programme et l’alimentation scolaire”. De façon à replacer l’éducation au bien manger au cœur des programmes et de l’éducation de chacun, en dehors de toute considération sociale, culturelle ou économique.

Contre l’anéantissement de l’agriculture dans la course à la productivité

Les chefs soulèvent un second problème : celui de la course à la productivité, qui pousse les agriculteurs non plus à nourrir les citoyens, mais à survire au sein d’un système absurde et industrialisé avec lequel ils ne peuvent en définitive pas rivaliser :

“Une autre fracture sépare le monde agricole des consommateurs. L’industrialisation massive de l’agriculture française aboutit à ce paradoxe : la plupart des agriculteurs, soumis à la culture intensive, ne nourrissent plus leurs concitoyens. La course à la productivité, à l’export et aux tarifs les plus bas a eu pour conséquence l’anéantissement de l’agriculture vivrière de nombreux pays.”

En résulte une alimentation fade et uniformisée, non durable à l’échelle planétaire, voire vectrice de maladies. “Peut-on accepter que notre alimentation et ses modes de production soient cancérigènes et sources de maladies quand elle devrait apporter santé et bien-être ?”, s’indigne la tribune.

A contrario, les chefs se rangent du côté d’une agriculture paysanne, raisonnée, réduisant les produits chimiques au profit des semences rustiques. Ils plaident ainsi pour que le bien manger s’inscrive comme un droit fondamental inaliénable pour tous et afin de remettre la question alimentaire au centre du débat présidentiel comme un enjeu primordial qui nous concerne tous :

“Ce n’est ni un luxe ni une utopie : il est possible et impératif de mettre en place des actions concrètes pour défendre une alimentation goûteuse et saine, ainsi qu’une agriculture qui soit durable pour ses producteurs comme ses consommateurs, pour les hommes comme pour la Terre.”

Pour signer l’Appel au droit à bien manger, c’est par ici.