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L’art de la découpe du thon au Japon

L’art de la découpe du thon au Japon

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Par Kirkis

Publié le

À mille lieues du thon en conserve ou des sushis ternes des buffets à volonté, le thon au Japon est une institution.

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Dans le quartier de Shinjuku à Tokyo, non loin de la station de métro Shinjuku, se trouve Maguro Shoten (まぐろ商店) – littéralement “magasin de thon” – un restaurant qui se situe au sous-sol d’un des immeubles du quartier.

Ce restaurant est de type izakaya (居酒屋), l’équivalent de nos brasseries. On y propose toute une ribambelle de spécialités de thon, et tout particulièrement des nigirizushi (nos sushis “classiques”) et des sashimis, des tranches de poisson cru.

Un thon rouge entier découpé chaque jour

Ce restaurant a pour particularité de découper un thon entier chaque soir à 20 heures dans un show orchestré par deux cuisiniers. Ils expliquent étape par étape la découpe du poisson et les différents morceaux qu’on en retire.

L’intégralité du spectacle est en japonais, et il est donc difficile pour les touristes de saisir toutes les informations, mais la démonstration reste néanmoins impressionnante. Pesant plusieurs dizaines de kilos, le poisson est gigantesque, et on comprend facilement comment Maguro Shoten arrive à nourrir tous ses clients avec un seul poisson par jour.

Présenté au public, le thon est déjà vidé, et les cuisiniers commencent la découpe en tranchant la queue, les nageoires et la tête. Le corps qui constitue l’intégralité de la chair comestible est ensuite tranché en quatre gros tronçons présentés comme des trophées au public qui salive d’avance.

Tout est bon dans le thon

Une fois le poisson complètement décharné, l’un des cuisiniers se sert ensuite d’une cuillère pour racler le reste de la chair le long de l’arête principale. C’est dire si la chair est fraîche et tendre ! Servis dans un bol, ces derniers restes de l’animal sont par la suite remportés par deux clients qui auront gagné face aux chefs au jankenpon (じゃんけんぽん), le pierre-papier-ciseau japonais.

L’arête est ensuite brisée afin d’en prélever le collagène contenu dans le cartilage. Sous forme d’une grosse goutte visqueuse, ce liquide ne se consomme pas pour son goût, mais pour donner de l’élasticité à la peau : le secret beauté des Japonaises.

Plusieurs sortes de chairs

Si nos restaurants de sushis à volonté ne proposent qu’une seule sorte de thon, les Japonais, qui représentent à eux seuls 80 % de la consommation mondiale de thon rouge, distinguent différentes qualités de viande avec différentes nuances.

Maguro Shoten sert notamment des assiettes de trois paires de nigirizushi faites à partir de trois qualités de chair différentes. On retrouve la classique chair rouge que l’on connaît et qu’on appelle en japonais akami (赤身), ce qui peut se traduire par “maigre”. Suivent ensuite les morceaux de qualité intermédiaire, plus gras et plus clairs, appelés chūtoro (中トロ). Et enfin, la partie la plus grasse et considérée comme la meilleure en goût (mais aussi la plus chère), c’est le ōtoro (大トロ), d’un rose plus pâle et riche en umami (うまみ), le goût savoureux du “reviens-y”.

Une espèce en voie de disparition

Derrière la gastronomie savoureuse se cache un désastre écologique : en 2000, les associations de lutte pour la défense des animaux s’alarment de la surpêche du thon rouge et de l’effondrement de leur population en Atlantique et en Méditerranée. Hélas, sous le puissant lobbying du Japon, une majorité de pays a refusé d’inscrire le thon rouge sur la liste des espèces en voie d’extinction.

Néanmoins, ces débats ont permis de baisser les quotas de pêche de 28 500 tonnes à 12 900 tonnes par an. Il faudra des années avant de voir si cette décision aura les effets bénéfiques attendus et si l’on pourra toujours déguster du thon rouge. Wait and see.

Maguro Shoten : First metro building B1, 1-23-14, Kabukicho, Shinjuku-ku, Tokyo, 160-0021