Lettre ouverte d’une ancienne mangeuse de foie gras

Lettre ouverte d’une ancienne mangeuse de foie gras

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Par Konbini Food

Publié le

Après avoir vu un documentaire sur le gavage des oies, Justine a décidé de s’abstenir de foie gras. Une décision personnelle qui est vite devenue une affaire familiale à la table du réveillon. 

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Oui oui je sais, c’est relou, encore une qui milite pour sauver la cause du cousin des canards !

Voilà, aujourd’hui et depuis maintenant quelques mois, j’ai décidé, j’ai choisi – et j’insiste sur l’importance de ces termes – d’arrêter de manger du foie gras. Après avoir vu un reportage dénonçant la pratique du gavage des oies judicieusement diffusé quelque temps avant les fêtes de fin d’année, je me suis fait la promesse de ne plus manger ce mets si savoureux, si raffiné, si travaillé et si français que j’adore, voire dont je raffole. Adieu le confit d’oignons sur une tranche de foie gras épaisse, adieu le tournedos Rossini, adieu le magret de canard ! Je ne vais pas vous faire une description des méthodes de gavage développées dans cette production, mon but ici n’est pas de vous convaincre.

Il doit être difficile de comprendre à quel point cette décision est épineuse pour une gourmande telle que moi, mais j’ai confiance en ceux qui me connaissent bien. Ceux-là doivent d’ailleurs probablement penser que mon copain y est pour quelque chose dans cette prise de décision soudaine. Précisons qu’il est végétarien. Lui qui participait au concours du plus grand mangeur de viande avec ses potes dans un restaurant parisien de viande à volonté dont je ne citerai pas le nom, a finalement choisi de changer de camp. Si ma décision a sûrement été influencée, je me sens et suis libre de mes choix, de mes idées, et je suis fière de cette évolution, évidemment minime pour tous les végétariens de ce monde. Mais comme dirait l’autre, “mieux vaut peu que rien”.

Les fêtes de fin d’année sont arrivées et les repas à rallonge qui vont avec, et je ne pensais pas que cela deviendrait un problème. Le problème n’a pas été de résister. Faire des choix, changer ses habitudes sont devenus sujets à jugement, surtout dans une famille qui pratique le concours du meilleur foie gras à chaque réveillon et dont j’étais jusqu’ici juge décisionnaire.

Chacun pense avoir le droit de donner son avis et son opinion sur les choix des autres. C’est quand même aberrant, non ?

Alors voilà : quand j’ai refusé poliment de recevoir une tranche de fois gras fait par Mamie dans mon assiette, je crois que le monde s’est arrêté de tourner autour de cette table – ronde – de quatorze personnes. Après avoir expliqué simplement qu’un reportage sur le gavage des oies avait motivé mon choix, j’ai dû subir les haussements de sourcils, les “quelle influence il a sur toi ton végétarien !” et les “mais pourquooââ ?”, la bouche tombante et l’intonation qui va bien pour te faire passer pour une conne.

Je ne pensais vraiment pas que la manière dont je souhaite remplir mon assiette à Noël allait être un sujet de conversation. Finalement, les débats politiques en famille (surtout avec tonton Thierry), ce n’est pas si mal. Mais après avoir dû sourire à toutes les blagues style “tu veux de la salade ? Non parce que tu sais le gavage des salades c’est un vrai problème de société, hein !”, j’en ai eu marre.

En un repas, je me suis rendue compte de ce que mon ami vivait au quotidien en ayant fait le choix d’être végétarien du jour au lendemain. Passés les moqueries et les débats, j’ai ensuite été accusée d’incohérence dans mes choix : “Et le saumon ? Tu as vu tout ce qu’on dit sur le saumon ? Et la viande, le poisson, le œufs ? Regarde, tu viens de manger une huître et pourtant t’as vu la manière dont elles sont produites ?” Oui oui, je sais. Enfin, non, je ne sais pas, je ne me suis pas renseignée sur tous les systèmes de production de masse et d’ailleurs je n’en ai pas très envie, car je ne me sens pas prête à devenir végétarienne, même si je sais que tous ces reportages me donneraient l’envie légitime de le devenir.

Tout cela pour dire qu’il est difficile de faire des choix, de les assumer et de s’y tenir quand les autres s’autorisent à juger. Il y a toujours quelqu’un qui n’est pas prêt à remettre en question ses habitudes, ses traditions et surtout qui reprochera la culpabilité de son inaction face à l’action des autres. Et c’est bien dommage.

En espérant que les choses changent et que les idées restent. (C’est un peu pompeux, non ?)

Justine