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“La viande, ce truc d’hommes” : quand le sexisme décide de ce qu’il y a dans nos assiettes

“La viande, ce truc d’hommes” : quand le sexisme décide de ce qu’il y a dans nos assiettes

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Par Sirine Azouaoui

Publié le

Ou encore : pourquoi 30 000 ans après l’homme de Neandertal, on pense toujours que manger de la viande c’est viril.

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L’homme devant son barbecue, la réunion de mecs autour d’un gros burger ou d’une pizza triple-viande, ou encore le personnage de série style gros gaillard bien beauf qui ne jure que par la barbaque. Autant de clichés qui rappellent que la viande, c’est viril. Et même si ça semble gros, dans la vie, le stéréotype perdure. C’est un fait, les hommes mangent plus de viande et les femmes plus de légumes. Et au resto, si une salade et un steak arrivent à la table d’un couple, on parie combien qu’on va tendre la première à la femme et le second à l’homme ?

Croire que ce que vous mettez dans votre assiette est affranchi de toute détermination genrée est une chimère. Les choix alimentaires aussi sont influencés par le fait d’être une femme ou un homme. Et la culture populaire, la publicité, les clichés aident à perpétuer cette mythologie : la bidoche est une affaire d’hommes. À l’image du magazine de cuisine français Beef, “pour les hommes qui ont du goût”, qui veut ramener les hommes dans la cuisine grâce à la chair animale.

Côté fiction, il y a Ron Swanson, personnage hautement satirique de l’Américain moyen à moustache et gros bras, fan d’armes et de bacon, de la série Parks and Recreation. Dans un genre beaucoup moins sarcastique, les chaînes de fast-food américaines participent elles aussi au stéréotype avec des publicités où des femmes bronzées et dénudées croquent à pleines dents dans des burgers façon film porno. 

Les femmes sont de la viande et la viande, c’est pour les hommes

“Le message intégré dans cette sexualisation de la viande c’est que les femmes, comme le poulet et le steak, existent pour que les hommes salivent dessus et les consomment”, analyse une journaliste de Quartz.

Dans la pub ou le packaging, c’est toujours la même histoire. Pour être une vraie femme, il faut être mince, jolie, distinguée, éclater de joie devant une salade verte et ne pas s’empiffrer de choses grasses ou de bonne grosse viande. Avec les produits de régime destinés uniquement au sexe féminin ou les aliments “healthy” colorés en rose, le marketing ne pourrait pas faire plus clair. Ah si, en donnant des couleurs “masculines” aux plats de viande et de friture !

La croyance populaire voudrait que les hommes doivent avoir leur dose de protéines. Or, ces derniers n’ont pas plus besoin de manger d’animaux que les femmes. El Pais cite ainsi des biologistes et nutritionnistes de l’Autorité européenne de sécurité des aliments, pour lesquels il n’y a aucune preuve scientifique que les hommes ont plus besoin de protéines carnées que les femmes. Pas une grande nouvelle pour les végétariens de ce monde.

Même si la masse musculaire des hommes est plus importante, ils ont simplement besoin de plus de calories, pas de plus de viande rouge. Au contraire, les femmes pourraient avoir plus de carences en fer (que l’on retrouve donc dans la viande, entre autres) pendant leurs règles, par exemple.

On le sait, trop de viande est mauvais pour la santé et pour l’environnement, mais les vieilles habitudes carnassières ont la vie dure. Aux États-Unis, les hommes s’en rendent malades au point que le gouvernement leur a spécifiquement conseillé de réduire leur apport en protéines et d’augmenter la dose de légumes. Les citoyens masculins mangent ainsi deux fois plus de protéines que ce dont ils ont besoin.

D’où vient cette croyance si elle n’a pas d’explication scientifique ?

Carol J. Adams, une féministe américaine, associe ça à la Bible, quand de la viande sacrificielle a été cuisinée seulement pour les prêtres et les enfants d’Aaron. C’est aussi le résultat de l’image que l’on se fait de l’homme de Neandertal. Les hommes chassaient le mammouth tandis que les femmes s’occupaient des enfants et mangeaient des baies. Or, on n’a pas non plus de preuve que le partage des tâches à la sauce préhistorique se passait réellement comme ça.

Pour le chercheur en psychologie sociale hollandais Joop de Boer, interrogé par le Washington Post, ces hommes accros à leur bout de bidoche associent la viande à la tradition et à des “notions patriarcales de pouvoir et de performance”. Il est vraiment temps de tirer un trait sur l’homme de Neandertal…